09.11.2020 - 18h30

La vie en pointillé

Lectures d'une correspondance familiale inédite de Denis de Rougemont

En ligne

Cette correspondance familiale inédite de Denis de Rougemont, entre 1925 et 1950, dévoile la vie ordinaire du futur «grand homme».

Présentation par Jacqueline Rossier d’extraits issus du fonds de la Bibliothèque Publique Universitaire de Neuchâtel.
Lectures par Yves Bourquin, Martine Noirjean de Ceuninck, Jacques Ramseyer et Willy Haag.

En partage, grâce au tout nouveau site créé par l’Université de Genève qui permet de consulter en ligne les fonds Denis de Rougemont.
En avant-goût, par la lecture de ces quelques lettres :

Il a 16 ans et est en vacances chez une tante à Paris.

Panam, vendredi [1922]

Ma chère maman,

2 mots à toute vitesse comme tout ce que je fais ici. Merci de ta carte reçue ce matin. Je ne me fatigue pas trop, rassure-toi, m’amusant tout plein, sans avoir le temps de m’embêter une demi-seconde. Je dors le matin jusqu’à 10 heures et me couche généralement à minuit-une heure. J’ai déjà vu tout Paris, en grande vitesse, et vais commencer à détailler ça. Je négocie l’achat d’un complet à des prix fantastiquement… bon marché (200 à 300 francs français, à ce compte je pourrais m’en payer 2 !).

Très joli temps hier, ce qui a fait éclater les bourgeons de marronniers. 

Mardi soir, j’ai été à Knock de Jules Romains, admirablement joué. Tante Jeanne me laisse complètement libre d’aller où je veux et quand je veux. Elle « m’invite » seulement les jours où il y a du monde à dîner. 

Ce soir je vais chez Loze qui connaît des tas d’écrivains, ce pourrait m’être utile une fois ou l’autre. Je m’initie petit à petit, aux beautés de la vie littéraire à Paris !!

Ce que j’ai vu de plus étonnant (outre les autos qui se touchent toutes dans la Rue Royale), je crois bien que c’est les foules courant dans les couloirs du métro et s’entassant à étouffer entre les affiches, les carreaux blancs brillants, les lampes-à-arcs, et dans une odeur qui ressemble assez à celle qui règne chez-nous pendant les lessives. Mais, pour parler comme les receveurs de tram : c’est complé. 

Au revoir donc. Un bon baiser de ton affectionné Top.

(…)

Quant à l’impression que me fait Paris, je ne peux pas en parler dans une lettre toute historique, il faudrait un gros livre. Je suis né pour y vivrej’en suis persuadé. Je pars maintenant pour le salon des indépendants.

 

En 1927-28, Denis de Rougemont effectue un semestre à l’Université de Vienne. La vie viennoise lui convient à merveille.

Vienne, le 12 juin 1928

Chers parents,

Merci de vos lettres reçues avec l’argent du mois et suivies des paquets de tabac, eux aussi bienvenus. (…)

Je nage dans la musique, à plus que haute dose. Un concert, une messe (ou 2), un opéra par jour. C’est une véritable ivresse. Les fêtes de Schubert battent leur plein et c’est une occasion unique au monde d’entendre foule de grandes œuvres en très peu de temps. J’ai été à Mödling, le village de Beethoven, entendre la Missa Solemnis dans l’église où elle fut créée, puis le lendemain, je la réentendais au Stefansdom, après quoi je fus aux Noces de Figaro ; le lendemain à un concert de 4000 chanteurs devant le Rathaus illuminé du haut en bas. Dimanche, messe au Stefansdom, de Anton Bruckner, puis à la Burgkapelle, de Schubert. Après-midi aux courses, soirée au Prater. Ce soir, un concert ou une opérette. Demain soir, la Flûte enchantée de Mozart. Et ainsi de suite jusqu’au 17. (…)

Votre fils très affectionné.

Lettre de Denis de Rougemont

Topin

A partir de 1930, il est secrétaire aux éditions protestantes Je Sers qui éditent notamment, Kierkegaard et Karl Bart. Si le travail et les relations qu’il noue à Paris l’enchantent, sa situation financière est des plus précaires.

Le 25 juin 1930

Chers parents,

Je viens de nouveau crier misère, d’urgence, et demander que vous m’envoyiez le plus tôt possible mon mois de juillet. Je n’ai plus un sou depuis quelques jours et j’ai à payer 200 francs pour mon établissement officiel (carte d’identité, etc.). (…)

 

Lettre de Denis de Rougemont

J’ai assez peur de ce qui va se passer avec mon permis de travail. Il y a de la nervosité dans l’air… Il faudra sans doute faire intervenir quelque grosse nuque politicarde pour m’aider à l’obtenir.

Accueil dans le respect des règles sanitaires, 50 places maximum, pas de réservations possibles, prévoir un masque et se renseigner sur notre site.