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Ecrivains en prison

Pour la semaine de l’écrivain en prison soutenue par le centre PEN (Poètes, essayistes, nouvellistes) suisse-romand, nous relayons ici des cas d’emprisonnement d’artistes.
Le PEN réunit des écrivains, poètes et nouvellistes de tous les horizons. Il agit pour la libération des écrivains en prison avec l’arme à sa disposition : la plume (pen).

Site Internet: https://www.pensuisseromand.ch/

A ces documents, le PEN suisse-romand a ajouté une fiche d’action qui vous permet d’envoyer des lettres et/ou de signer des pétitions pour la libération de ces écrivains et de leurs collègues.

Si vous êtes intéressés, vous trouvez ce document ici: PEN CAMPAGNE DE SENSIBILISATION ET DACTION JOURNÉE DE LÉCRIVAIN EN PRISON 2021

Maykel Castillo Pérez, plus communément connu sous le nom de Maykel Osorbo, est un musicien, rappeur et auteur de musique indépendante à Cuba. Osorbo a écrit, avec d’autres musiciens cubains, « Patria y Vida » (Patrie et Vie), une chanson qui, depuis sa sortie en février 2021, fait office de cri de ralliement, d’espoir et d’hymne lors des manifestations antigouvernementales organisées sur l’île. La chanson a été nominée dans les catégories « Meilleure chanson urbaine » et « Chanson de l’année » aux Latin Grammy Awards. Osorbo est également l’un des fondateurs du Movimiento San Isidro (MSI), un groupe d’artistes et d’intellectuels cubains fondé en 2018 afin de protester contre la censure étatique des œuvres artistiques, littéraires ou journalistiques et de défendre la liberté d’expression à Cuba.

Osorbo a été arrêté le 18 mai 2021 à son domicile et a subi une disparition forcée pendant 14 jours. Selon des informations ultérieures relayées par les médias, il aurait été placé en détention provisoire et transféré à la prison 5 y Medio, à Pinar del Río, le 31 mai, et accusé de délits présumés tels que « résistance » et « mépris » pour avoir refusé d’être arrêté alors qu’il tentait de rejoindre le siège du MSI le 4 avril 2021. Sa détention provisoire est contraire aux exigences du droit international et du code pénal cubain.

Osorbo a été victime de pas moins de 121 actes de harcèlement policier, dont des arrestations à répétition. Le 24 septembre 2018, il a été arrêté après s’être produit lors d’un concert où d’autres rappeurs et lui-même se sont publiquement opposés au décret 349, une loi qui régit toute expression artistique à Cuba et qui muselle les voix hostiles au gouvernement. Le 20 mars 2019, il a été condamné à un an et demi de prison pour avoir prétendument agressé un policier. Le rappeur a été libéré le 24 octobre 2019 après que la défense a démontré que sa procédure judiciaire avait été bafouée, et que les témoignages contradictoires et les preuves contre lui étaient insuffisants. Il a de nouveau été détenu pendant trois jours en avril 2020 pour avoir prétendument fait la promotion d’« images illégales », tandis qu’il diffusait une vidéo Facebook Live dans laquelle il discutait de la politique locale et de la COVID-19 à Cuba, critiquant les autorités cubaines.

Le 11 février 2021, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a accordé des mesures de précaution en faveur de 20 membres du MSI, dont Osorbo, estimant qu’en tant que défenseurs des droits de l’homme, ils couraient un risque sérieux et imminent de subir une atteinte irréparable à leurs droits. Osorbo n’a pas eu droit à un procès équitable et, selon le témoignage de ses proches, il reçoit des menaces des autorités à l’intérieur de la prison.

Le cas d’Osorbo illustre bien la politique de répression de la liberté d’expression et de persécution des voix critiques menée par le gouvernement cubain. Les actes de violence cautionnés par l’État et les arrestations arbitraires ont fortement augmenté l’année dernière, et ont atteint un pic en juillet lors d’attaques contre des manifestants pacifiques. Depuis le 11 juillet 2021, plus de mille arrestations et disparitions ont été recensées, notamment des cas de personnes contraintes de se cacher. Au moins 55 artistes et écrivains sont actuellement assignés à résidence, emprisonnés ou visés par une enquête.

Selahattin Demirtaş est un écrivain et l’ancien coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP) en faveur des Kurdes.

Demirtaş a été arrêté le 4 novembre 2016, en même temps que plusieurs députés du HDP, et accusé d’être un membre dirigeant d’une organisation terroriste, de diffuser de la propagande terroriste, de promouvoir des crimes et des criminels et d’inciter à la haine et à l’hostilité publiques. Les preuves retenues contre lui comprennent en grande partie ses discours politiques et ses déclarations dans la presse et ne comportent aucune preuve irréfutable d’activité criminelle. À ce jour, les autorités turques n’ont pas appliqué un arrêt de décembre 2020 de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a ordonné la libération immédiate de Demirtaş. La Grande Chambre statuait sur un appel d’un jugement historique rendu par l’une des chambres ordinaires de la Cour en novembre 2018, qui a estimé que son arrestation et sa détention provisoire servaient un but inavoué : étouffer le pluralisme et limiter la liberté du débat politique.

Dans une affaire distincte, le 7 septembre 2018, Demirtaş a été condamné à quatre ans et huit mois de prison pour avoir prétendument diffusé de la propagande terroriste lors d’un discours prononcé en 2013. Peu avant l’audience de la Grande Chambre, la libération de Demirtaş a été ordonnée, mais il est resté en prison en raison de cette affaire distincte. Sa peine a été confirmée par la Cour de cassation le 26 avril 2021, jour où elle est devenue définitive.

De nouvelles accusations de terrorisme ont été retenues contre lui le 20 septembre 2019, dans le cadre d’une enquête sur les manifestations meurtrières survenues dans toute la Turquie du 6 au 9 octobre 2014, qui ont éclaté à la suite d’accusations selon lesquelles l’armée turque est restée les bras croisés alors que les militants de l’État islamique assiégeaient la ville kurde syrienne de Kobané. Demirtaş est accusé d’avoir organisé ces manifestations par le biais de ses déclarations politiques et de ses messages sur les réseaux sociaux, et est considéré comme responsable de toutes les infractions qui auraient été commises pendant les affrontements. Les accusations portées contre lui comprennent l’atteinte à l’unité et à l’intégrité territoriale du pays, l’homicide, le vol et les dommages à la propriété. Le 7 janvier 2021, une cour pénale turque a approuvé l’acte d’accusation retenu contre lui et, le 25 mai 2021, cette affaire, connue sous le nom de procès de Kobané, a été fusionnée avec son procès principal, qui était à l’origine de sa détention provisoire initiale. Il risque la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.

Demirtaş est détenu à la prison d’Edirne, dans l’ouest de la Turquie, à plus de 1 600 km de ses proches à Diyarbakır.

Durant son incarcération, il a écrit un recueil de nouvelles intitulé Seher (Aube), lequel est aussitôt devenu un best-seller et a été traduit dans des dizaines de langues, recevant notamment le prix PEN Translates décerné par le PEN anglais. Son dernier ouvrage, Devran, a été publié en 2019. Demirtaş est membre honoraire de PEN Allemagne et de PEN Catalogne.

Née dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en République populaire de Chine (RPC), Rahile Dawut est une éminente anthropologue et experte de l’étude du folklore et des traditions culturelles ouïghours. Professeur associée à l’université du Xinjiang et fondatrice du centre de recherche de l’université sur le folklore des minorités, Rahile est mondialement connue pour ses contributions inégalées à l’étude et au répertoriage du patrimoine culturel ouïghour. Son travail a également été reconnu et soutenu par le gouvernement de la RPC. En 2016, tout juste un an avant sa première détention, Dawut a reçu une bourse de recherche du ministère de la Culture, apparemment la plus importante jamais accordée à un projet de recherche ouïghour.

Dawut a disparu fin 2017, peu après avoir prévu de voyager du Xinjiang à Pékin pour participer à une conférence universitaire. Sa disparition serait attribuée au gouvernement de la RPC, qui la détient en secret sans confirmer sa détention depuis plus de trois ans, malgré le tollé international et l’attention des médias, ainsi qu’une campagne menée par la fille de Dawut, appelant à sa libération.

En juillet 2021, un reportage d’investigation du service ouïghour de Radio Free Asia a confirmé son emprisonnement d’après des sources de l’université du Xinjiang.

L’emprisonnement de Dawut illustre les efforts déployés par le gouvernement chinois pour priver la population ouïghoure de son identité et de son patrimoine culturels à coups de censure et de répression. Depuis la mise en place d’un vaste réseau de camps de rééducation au Xinjiang en 2017, plus d’un million d’Ouïghours et d’autres minorités ont été détenus, dont des centaines d’écrivains, de poètes, de traducteurs, d’universitaires et d’intellectuels publics qui, ensemble, représentent l’incarnation vivante de la culture ouïghoure.

Noms                                                      Profession

Dawit Isaak                                          Auteur, journaliste et dramaturge

Amanuel Asrat                                     Journaliste, poète, critique d’art et compositeur

Said Idris « Abu Are »                         Auteur, journaliste et traducteur

Temesegen Ghebreyesuy                   Journaliste, comédien, acteur

Methanie Haile                                    Journaliste et avocat

Fessehaye « Joshua » Yohannes            Auteur, journaliste et dramaturge

Yousif Mohammed Ali                        Journaliste

Seyoum Tsehaye                                  Journaliste

Dawit Habtemichael                           Journaliste

Said Abdelkadir                                   Journaliste

Sahle « Wedi-ltay » Tsefezab             Journaliste

Matheos Habteab                                Journaliste

 

Il y a vingt ans, en septembre 2001, les autorités érythréennes ont entamé une campagne de répression massive contre les critiques du régime. Les 18 et 19 septembre, dans le cadre de ces mesures, les forces de sécurité ont arrêté et détenu 11 des 15 membres dissidents (communément appelés le G-15) du Front populaire pour la démocratie et la justice (PDFJ) au pouvoir, en les accusant d’avoir commis des crimes contre la sécurité et la souveraineté nationales. Le G-15 avait auparavant publié une lettre ouverte, dénonçant l’abus de pouvoir du président et qualifiant ses actions d’« illégales et anticonstitutionnelles ».

Le 18 septembre, les autorités ont également suspendu tous les journaux indépendants du pays, notamment les hebdomadaires Meqaleh, Setit, Tsigenay, Zemen, Wintana et Admas, qui ont été fermés pour avoir publié la lettre ouverte du G-15 et mené des entretiens avec les médias sur les questions soulevées dans la lettre. Le 21 septembre, douze journalistes, tous associés aux médias indépendants interdits, ont été arrêtés par les forces de sécurité et placés en détention. Certains de ces journalistes sont également écrivains, poètes, traducteurs, dramaturges, compositeurs de chansons et critiques d’art. Depuis deux décennies, les autorités érythréennes les détiennent au secret, ainsi que les membres du G-15, sans pouvoir communiquer avec les membres de leur famille, leurs avocats ou des médecins indépendants, et sans avoir pu être jugés.

Au fil des années, des rapports non vérifiés ont fait état de la mort en détention de plusieurs de ces détenus, victimes de mauvais traitements et de négligence. Les autorités érythréennes ont ignoré les appels lancés par les organisations de défense des droits de l’homme et les mécanismes régionaux et internationaux de défense des droits de l’homme demandant que les détenus obtiennent justice, et ont nié officiellement l’existence de la répression en 2002. Les autorités ont également affirmé que les écrivains et les journalistes avaient simplement été dépêchés pour effectuer leur service national, et que toutes les personnes arrêtées en 2001 étaient en vie, sans pour autant apporter de preuves à l’appui de ces affirmations.

L’Érythrée est un État autoritaire et militaire à parti unique qui figure régulièrement parmi les pires pays du monde en matière de liberté d’expression. Les médias indépendants y sont interdits depuis 2001.  Pratiquement toutes les voix critiques (journalistes, écrivains, poètes, dramaturges, musiciens, artistes, personnalités politiques dissidentes) sont arbitrairement détenues pour des périodes indéfinies, disparaissent, sont forcées de s’exiler ou font l’objet d’exécutions extrajudiciaires. Sa constitution démocratique, qui garantit les libertés d’expression et de la presse, a été ratifiée en 1997, mais n’est pas entrée en vigueur. L’Érythrée n’a pas organisé d’élections nationales depuis son indépendance de l’Éthiopie en 1993. L’Assemblée nationale de transition, qui a été instituée pour faire office d’organe législatif jusqu’à l’organisation d’élections nationales, ne s’est pas réunie depuis 2002.

Le Dr Mohammed Abdullah Al-Roken est un éminent écrivain, universitaire et avocat des droits de l’homme émirati, spécialiste de la liberté d’expression et du contre-terrorisme. Il est membre de l’Association internationale des avocats (UIA), de l’Association internationale du barreau et ancien président de l’Association des juristes des Émirats arabes unis, aujourd’hui dissoute.

Le Dr Al-Roken est persécuté par les autorités des Émirats arabes unis depuis longtemps en raison de son travail en faveur des droits de l’homme. Arrêté en août 2006, il a été détenu pendant quelques jours et interrogé sur son rôle dans la fondation de l’Association émiratie des droits de l’homme. Durant cette période, les autorités lui ont confisqué son passeport, l’ont placé sous surveillance et lui ont interdit de quitter le pays, ainsi que d’écrire et de donner des interviews aux médias.

Le 17 juillet 2012, les services de sécurité nationale des Émirats arabes unis ont arrêté le Dr Al-Roken, perquisitionné son domicile, confisqué ses effets personnels et l’ont emmené dans un lieu non identifié où il a été détenu en isolement pendant trois mois, sans pouvoir contacter son avocat ni sa famille. Le 4 mars 2013, il a été jugé devant la Chambre de la sécurité nationale de la Cour suprême fédérale dans le cadre de la fameuse affaire « UAE 94 », aux côtés de 93 autres militants, inculpés de plusieurs chefs d’accusation fallacieux et vagues, dont un prétendu complot visant à renverser le gouvernement. En juin 2013, des organisations de défense des droits de l’homme ont révélé que les agents de la sûreté de l’État avaient soumis le Dr Al-Roken et les autres accusés de l’affaire « UAE 94 » à de mauvais traitements systématiques, notamment à la torture, pendant leur détention provisoire.

Le 2 juillet 2013, la Chambre de la sécurité nationale de la Cour suprême fédérale a condamné le Dr Al-Roken à dix ans de prison, suivis de trois ans de probation, et a infligé des peines de prison comprises entre sept et quinze ans à 68 autres accusés, dont huit par contumace. Des organisations de défense des droits de l’homme majeures ont considéré que le procès était inéquitable et que leur emprisonnement constituait une violation de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion.

En avril 2014, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (WGAD) a rendu un avis dans lequel il reconnaît le caractère arbitraire de la détention du Dr Al-Roken et de 60 autres accusés dans le cadre du procès collectif « UAE 94 ». Dans son avis, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a fait part de ses préoccupations concernant les déclarations des accusés selon lesquelles ils ont été frappés sur tout le corps avec un tube en plastique alors qu’ils étaient attachés à une chaise, menacés d’électrocution, insultés et humiliés pour tenter de les contraindre à avouer des actes qu’ils n’avaient pas commis. Le Groupe de travail a également évoqué les allégations des défendeurs selon lesquelles ils auraient été soumis à un isolement prolongé, exposés continûment à un éclairage fluorescent et à un chauffage insuffisant, et encagoulés lorsqu’ils ont été sortis de leur cellule. Il a également exprimé son inquiétude quant aux violations flagrantes des garanties d’un procès équitable, notamment par le refus de leur droit de faire appel de toute décision judiciaire. Le Groupe de travail a conclu que la condamnation des accusés reposait sur des accusations concernant des actes relevant des droits à la liberté d’expression et de réunion, et a demandé instamment au gouvernement des ÉAU de les libérer et de leur accorder une réparation appropriée.

Le Dr Al-Roken purge sa peine de prison dans la tristement célèbre prison de haute sécurité d’Al-Razeen, souvent appelée le Guantanamo des ÉAU. En juillet 2019, le Groupe de travail et trois experts des Nations Unies, dont le rapporteur spécial des Nations Unies pour la liberté d’opinion et d’expression, ont exprimé leurs inquiétudes quant à ses conditions de détention. Les experts ont souligné que le Dr Al-Roken fait régulièrement l’objet de mesures disciplinaires arbitraires. Il est notamment placé en isolement sans accès à la lumière du jour, soumis à des fouilles corporelles intrusives et à la saisie d’objets personnels, et est privé de visites familiales et de soins médicaux.